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OUI/NON épisode 5 – Henry Cejudo, déjà une légende ?

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8 juin 2019, Henry « The Messenger » Cejudo, médaillé d’or Olympique en lutte passé sur le tard au MMA, domine Marlon Moraes pour s’emparer du championnat UFC des poids coqs. Le voilà double détenteur puisque déjà sur le trône des poids mouches depuis l’été précédent. Et pourtant, nulle effervescence à son égard dans le microcosme des fans et professionnels du milieu, ni même la considération due pour sa série de performances victorieuses. Le débat s’impose : Peut-on d’ores et déjà associer son nom à ceux des plus grands ? Doit-on plutôt privilégier l’angle du chemin lui restant à parcourir ?

OUI : Un champ/champ est par définition légendaire

BJ Penn, Randy Couture, Conor McGregor, Georges Saint-Pierre, Daniel Cormier, Amanda Nunes, tous s’accordent pour attribuer le label «légende» à ces fighters. Logique de prime abord, un peu moins si on analyse l’ensemble de leur parcours de manière plus pointue. Que dire d’un Penn se sabordant d’année en année (sept défaites consécutives, une seule victoire lors de ses onze derniers combats) au point de bientôt virer à un score négatif ? Et d’un Couture n’ayant jamais eu de long règne de champion ou de période dominante, comme le confirme un épanchement sur son palmarès (19-11, pas plus de deux victoires consécutives entre 2001 et 2011) ? On insistera pas sur le cas McGregor, double détenteur à 66 et 70 kg ? Sans marquer son heure de gloire de la moindre défense de titre. Sous quel prétexte un Cejudo au score plus qu’honorable (15-2), tombeur d’un Mighty Mouse à son sommet, exterminateur d’un TJ Dillashaw survolté, dominateur d’un Marlon Moraes guerrier, ne serait-il pas intronisé dans ce club d’élite ?

OUI : Une belle et imprévisible métamorphose

Il y a un fossé entre le Cejudo débarquant dans les grandes ligues du circuit américain en 2013, Legacy FC puis UFC, et l’actuel double champion à 56/61 kg. Entre le lutteur peu créatif remportant tous ses combats à la décision, parfois de manière mitigée (contre Jussier Formiga en particulier), et le puissant striker des deux années passées, il y a une progression impressionnante. Une remise en cause de ses fondamentaux suite aux deux seules défaites de sa carrière, coup sur coup en 2016 face à Demetrious Johnson et Joseph Benavidez. Ainsi fut-on choqué, pour son retour aux armes en septembre 2017, de le voir axer son game plan sur un style agressif boxe/karaté. Stratégie payante puisque Wilson Reis est atomisé en début de 2e round. Le coach de Cejudo, Eric Albarracin, expliquera plus tard avoir tiré les leçons quant aux limites d’une focalisation sur la lutte et recruté des spécialistes de taekwondo sous l’impulsion d’un de ses autres fameux protégés, Patricio Freire (champ/champ légers-plumes au Bellator). D’où le TKO fondateur sur Wilson Reis, suivront le dé-zingage en 32 secondes de TJ Dillashaw et le finish intense face à Marlon Moraes (trois « performance of the night » glanées à ces occasions). Deux victoires par décision dans l’intervalle, pas des moindres : une large domination sur un Sergio Pettis alors en plein rush et l’avènement sur le trône flyweight en lieu et place d’un Mighty Mouse impérial pendant six ans. Le temps de cinq performances XXL, le médaillé d’or des JO 2008 a totalement modifié son image…et bâti sa légende.

OUI : À la même enseigne qu’un Daniel Cormier

Pas le look approprié, pas la touche de spectacle, pas le physique exceptionnel, pas le trash talk qui va bien, ça ne vous rappelle pas un autre champ/champ, œuvrant lui dans les catégories des plus lourds ? Cormier, Cejudo, une quarantaine de kilos d’écart mais un destin sportif commun, une perception médiatique toute aussi familière. Une tendance de la presse spécialisée à minimiser leurs accomplissements quand elle magnifie ceux de leurs rivaux désignés : Jon Jones pour DC, Joseph Benavidez pour The Messenger. Les deux présentent aussi la caractéristique d’être souvent désignés outsiders aux yeux des bookmakers, notamment lors de combats de championnat. Du temps de son règne en mi-lourds (93 kg), Cormier se voyait promettre la foudre à mesure de l’émergence de puissants strikers : Alexander Gustafsson, Anthony Johnson, ou plus récemment Volkan Oezdemir. Cejudo a connu pire présomption encore, celle de signer l’arrêt de mort de la division flyweight. Fin 2018, le roster se réduit à peau de chagrin à mesure des migrations à 61 kg, l’UFC envoie l’emblématique Demetrious Johnson au One Championship sans même lui accorder un rematch, puis place TJ Dillashaw sur la route de Cejudo avec l’idée d’une annexion de la catégorie au bénéfice des poids coqs. Patatras lors du premier gala de 2019 avec cette fameuse finalisation au bout de 32 secondes. Les poids mouches continueront à exister qu’on se le dise ! Sur son seul nom, c’est tout un pan de l’Octogone qui est préservé, une certaine idée de la compétition primant sur le buzz. Un pied-de-nez légendaire.

NON : Victime d’un mauvais timing

La gloire et la notoriété, à plus forte raison l’inscription dans la légende s’acquière avec d’autres données que les résultats bruts. Hélas, pourrait-on ajouter face à cette injustice maintes fois observée. Tout est affaire de momentum, de prestige, d’oppositions marquées comme de capacité à fédérer autour de soi. Or Henry Cejudo, dans son rush actuel, a eu la malchance de passer après des règnes marquants dans les deux catégories où il figure au sommet. Si légende il doit rester chez les poids mouches, ce sera Demetrious « Mighty Mouse » Johnson et ses onze défenses de titre consécutives. Chez les poids coqs, l’empreinte de TJ Dillashaw, avant lui celle de Dominick Cruz, est à même de garder une place à part dans la mémoire collective. Longtemps bercée par le storytelling autour de la Team Alpha Male et des profonds antagonismes, la division des 61 kg est retombée à plat depuis la suspension de Dillashaw, les multiples blessures de Cruz ou la disgrâce de Cody Garbrandt. Sans ce trio d’ex-champions à ses trousses, Cejudo aura du mal à marquer les esprits. Idem à 56 kg en dépit de sa victoire par décision partagé sur DJ. Dure réalité d’être limité au statut de « l’homme d’après », situation subie par Johny Hendricks en welters (dans la foulée du départ de GSP) ou Chris Weidman en moyens (son règne suivant les sept ans sans partage d’Anderson Silva).

NON : Pas le style ni le bagage d’un « total package »

Souvenons-nous des sourires en coin provoqués par Tim Sylvia, double champion poids lourds UFC entre 2003 et 2007, lorsqu’il affirma « se considérer comme une légende du MMA ». Pour sévères qu’ils fussent, les jugements des spécialistes se basaient sur une froide analyse : Sylvia a régné à une époque désertique où les stars de sa division se trouvaient au Pride FC (Fedor Emelianenko, Mirko Cro Cop, Antonio « Minotauro » Nogueira), et surtout le grand tatoué présentait un registre extrêmement limité : ses poings étaient sa seule arme.

Sans être aussi unidimensionnel, Cejudo ne possède pas tout le background attendu d’un combattant de MMA complet, en plus d’apparaître comme peu vendeur pour le fan lambda d’arts martiaux. Là où Georges Saint-Pierre pouvait rétorquer aux procès d’ennui en revendiquant sa parfaite polyvalence (« Je ne suis ni le meilleur en lutte, ni le meilleur en boxe, ni le meilleur en jiu-jitsu… mais j’amalgame tous ces sports pour prendre le dessus sur mon adversaire »), le nouveau champion poids coqs demeure trop frais dans le milieu pour laisser entrevoir une marge de progression. Comment le considérer comme un modèle pour ses pairs ? Comment pourrait-on le qualifier de légende ?

NON : Des défis à relever pour espérer ce statut

Les challenges se précisent à mesure des shows ayant eu lieu depuis un mois. Joseph Benavidez s’est mérité une place de challenger #1 chez les mouches, Raphael Assuncao ou Aljamain Sterling devraient occuper le terrain chez les coqs, en attendant un éventuel allègement de la suspension TJ Dillashaw, autant de combats apparaissant désormais indispensables pour que Cejudo se bâtisse une légende… sauf que cela pourrait être insuffisant encore. Rappelons que son premier duel avec TJ avait été relégué dans un Ultimate Fight Night, faute d’être assez bankable pour un pay-per-view. L’intérêt du grand public est un autre élément à prendre en compte dans les velléités de conquête de Cejudo. Pas sûr de pouvoir le capter avec les seules catégories coqs/mouches. Preuve ultime ? Le principal intéressé lui-même a déclaré, à peine couronné chez les coqs, son intérêt pour collecter une nouvelle ceinture, celle des poids plumes (66 kg), donc viser un triplé avant même de consolider sa position. Comme s’il était lui-même conscient des limites inhérentes aux petites divisions, convaincu de devoir réaliser un authentique/unique exploit pour enfin entrer dans la cour des grands.

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